Lundi 3 décembre 2012 à la mairie du 2ème arrondissement de Paris se tenait l’atelier conférence du suivi des négociations de Doha. Durant deux heures, plusieurs intervenants se sont succédés au micro pour répondre aux questions de notre animatrice Juliette Decq.

Pierre Bonneau est le premier à se plier à cet exercice avec un petit brief sur les enjeux de Doha et le suivi des négociations. Représentant de l’ARC-Bouté – l’Alliance pour le Réchauffement Climatique des Baigneurs OUTrEs, il se réjouit car ce n’est pas à Doha qu’il y aura de grandes avancées : inaction, remise à demain des travaux, bref un monde « les pieds dans l’eau » se profile pour le plus grand bonheur de notre lobbyiste chevronné. Le Qatar – premier émetteur de CO2/habitant au monde – serait-il l’endroit idéal pour ne rien faire ? Néanmoins, notre expert biaisé a pris le temps de nous expliquer les « trois voies de négociations » de la CCNUCC. Premièrement la voie AWG-KP du Protocole de Kyoto et la discussion sur les nécessaires amendements à déposer pour que tout ne s’arrête pas le 31 décembre prochain ainsi que l’épineuse question de l’air chaud (quotas excédentaires attribués aux pays de l’Est qui pourraient remettre en question l’utilité même d’une deuxième période). Ensuite la voie AWG-LCA ou Long-Term Concerted Action, issue du Plan d’Action de la COP de Bali en 2006, pour « renforcer la mise en œuvre » de la CCNUCC avec cinq segments de discussions (adaptation, atténuation, financement, transfert de technologies, et vision commune à long-terme). Le LCA doit impérativement être clôt à Doha, or pour l’instant il est très difficile de trouver un accord sur tous ces points et le texte présenté fait l’impasse sur les questions épineuses d’adaptation et de financements (cruciales pour les pays en développement). Et enfin la toute nouvelle Plateforme de Durban pour l’Action Renforcée (AWG-KP) avec deux segments : la discussions sur la promotion d’un accord global à l’horizon 2015 à appliquer en 2020, et l’épineuse question des principes qui le sous-tendront – en particulier la question de l’évolution du concept de Responsabilité Commune et Différenciée - ; et le segment d’augmentation du niveau d’ambition des réductions avant 2020. Sur cette voie de discussion, très peu d’accords, ne serait-ce que méthodologiques : on en est encore aux balbutiements.

Après cette mise au point, une liaison par visioconférence est réalisée avec les jeunes de l’association CliMates présents à Doha : Sébastien Burgess, Béatrice Cointre, Henri Landes et Sabrina Marquant. Doha était réellement à Paris grâce  à la technologie ! Sébastien Burges, sur place depuis le début de la COP, nous fait part de ses journées chargées durant lesquelles il crée le lien entre la délégation officielle française et la société civile. Appuyé par Sabrina Marquant, il note le peu d’organisations non gouvernementales présentes, ce qui est sans doute dû à la thématique complexe et technique du changement climatique. Néanmoins les jeunes sont bien présents, notamment lors de la Conference of Youth qui précède la COP, COY où les jeunes étaient pour la plus grande majorité des anglosaxons. Chacun profite de chaque opportunité, via les side events par exemple, pour faire entendre leur voix. C’est l’occasion pour les différentes organisations de se rencontrer « lors de réunions officielles mais aussi autour de cocktails » précise Henri Landes. Les quatre délégués se rejoignent sur le fait que la COP est ainsi un moyen de trouver les structures avec lesquelles faire un partenariat pour que nos voix soient plus fortes et prises en compte.

La liaison terminée avec Doha, c’est Hervé Le Treut, membre du GIEC et directeur de l’institut Simon Laplace, qui répond aux questions de Juliette Decq et de l’audience. Selon lui, la modélisation de la COP 18 est celle des gagnants-perdants, modélisation qui n’existait pas auparavant. Cette modélisation est due à la grande difficulté à préciser les impacts du changement climatique. Malgré les controverses des climato-sceptiques, il y a peu de débat sur la réalité du changement climatique. Pourtant, nous sommes désarmés en ce qui concerne la prévision et la modélisation aux échelles régionales. Au niveau français, des ordres de grandeur sur le réchauffement peuvent être donnés mais il reste difficile de dire où il pleuvra plus ou moins par exemple. Néanmoins, et c’est là que le bât blesse, il est difficile pour la communauté scientifique de s’intégrer dans les négociations. De plus ce n’est pas pendant les négociations que se joue le rôle des scientifiques mais en amont. Le seuil des deux degrés par exemple est un seuil politique qui s’assoit sur d’autres seuils (biodiversité, océans etc) et processus scientifiques. Il faut donc discuter de la répartition des rôles entre l’expertise scientifique et le politique pour plus de clarté.

Lors des questions du public, la vulgarisation scientifique ressort souvent pour permettre une meilleure appropriation par la société civile de la thématique.

Pour prendre la suite des réponses apportées par notre expert, c’est à nouveau un liaison par visioconférence avec le mouvement des lycéens éco-responsables depuis Nantes. Ce mouvement, né dans le domaine agricole, est parti de la volonté d’intégrer le développement durable dans les établissements, via notamment des agenda 21 scolaires. Ces jeunes ont rédigé un Manifeste des Eco-responsables déposé auprès de leurs ministères de tutelle : le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’agriculture. De nombreux projets fleurissent au sein de ce mouvement composé de 60 personnes tant au niveau local qu’au niveau international. Présents à Rio+20, ils ont rédigé un manifeste pour le futur, manifeste qu’ils ont intégré au manifeste des Régions de France remis à François Hollande en mains propres. Ce sont des jeunes engagés, motivés et pleins de volonté qui nous ont présenté leurs projets et leur désir d’aller plus loin.

Enfin le dernier contact par visioconférence qui a été réalisé nous a permis de rencontrer Mariam du Mouvement des Jeunes Arabes pour le Climat (AYCM). Alors que dans les précédentes COP, plusieurs étaient présents mais de manière individuelle, la COP18 est pour eux le moyens de se retrouver ensemble et d’agir ensemble. Des 52 membres qui sont à Doha ce sont 16 pays du Proche et Moyen Orient qui sont représentés. Afin de faire entendre leur voix sur la nécessité absolue d’agir. C’est pour quoi ils ont interpellé leurs propres dirigeants pour exiger qu’ils s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 avec l’organisation d’une grande marche à Doha, la première du genre dans le pays.

La marche a été soutenue par des ONG régionales et internationales, parmi lesquelles on compte IndyACT, OASIS Doha, 350.org, le Réseau action climat, et la campagne mondiale TckTckTck. Par ailleurs, de jeunes militants ayant façonné le printemps arabe ont désormais choisi de s’impliquer dans le nouveau mouvement des jeunes pour le climat.

Malheureusement, la dernière visioconférence avec l’initiative Qatar in Brussels n’a pas pu avoir lieu et c’est avec regret que nous n’avons pu échanger avec eux car c’est cette intiative qui a inspiré Doha In Paris. Les échanges terminés, c’est sur une pointe d’humour que s’est clôturée la soirée avec la projection de deux films des premières actions de Doha In Paris : la Flashmob Freeze « on va mettre le Doha où ça fait mal » ainsi que le discours de l’Arc-Bouté que tous pourront retrouver sur le site.

Doha in Paris ne se fait pas sans nous, encore faut-il que Doha se fasse tout court. D’après les dires des uns et des autres ce n’est peut-être pas gagné.

Pierre Bonneau & Astrid Barthélemy



Leave a Reply.