Cette conférence à Doha était une conférence de transition et malheureusement nous savions que cela allait être compliqué, et que le niveau d’ambition des engagements des Etats n’allait pas être au rendez-vous. Cependant, était-ce une raison pour que cette conférence ne soit pas sous la lumière des projecteurs médiatiques ?
La réponse est non ! Était-ce la raison pour laquelle les acteurs de la société civile ne se sont pas rendus sur place de manière massive ? La réponse est toujours non ! Car au-delà de la complexité et de la technicité de cette conférence, l’enjeu était ailleurs : il s’agissait de dessiner l’avenir de la lutte contre le changement climatique, esquissé il y a quelques années maintenant, stoppé net dans son élan à Copenhague et qui depuis 2009, se dessine à tâtons. L’enjeu était bel et bien là ! Et la société civile n’était pas présente massivement!


Cette conférence à Doha était ma première COP mais la logique de ces réunions internationales m’est toutefois familière. J’ai réalisé un mémoire de recherche de deux ans de 2007 à 2009 sur les négociations climat, de la feuille de route de Bali, qui dessinait l’avenir de la lutte contre le changement climatique à la veille de ce qui se devait être un rendez avec l’histoire, la fameuse conférence de Copenhague. A travers ce travail de recherche, j’ai pu analyser la montée en puissance des acteurs de la société civile, enclenchée notamment dès 2007 avec la sortie du film d’Al Gore qui rend accessible au grand public le dernier rapport du GIEC.
Photo
Dès lors, la mobilisation des acteurs de la société civile a été telle que leurs actions ont envahi l’espace public partout dans le monde à coup de campagnes de communication et de sensibilisation chocs. Pour la première fois dans l’histoire de la diplomatie climatique ; médias, experts, néophytes, tout le monde s’était emparé du sujet.  


Copenhague a été révélateur d’une prise de conscience mondiale de l’urgence climatique, mais au delà du rendez-vous manqué avec l’histoire de cette conférence, Copenhague a fait entré les acteurs de la société civile dans une nouvelle ère de mobilisation, qui tout comme les négociations internationales se définit et se construit au fil des évènements, au fil du temps. Mais cette mobilisation massive qui marqua la capitale danoise en 2009 n’existe plus. Et le désintérêt par le grand public de ces grandes conférences a atteint en 2012 son apogée.
Déjà à Rio, en juin dernier, alors que nous devions réaffirmer les grands principes de 92 et définir de nouveaux principes, la société civile était absente. Plus grave encore, à Doha, la société civile se résumait à quelques réseaux d’ONG présentes sur place. Or il n’y a rien de plus fort que la symbolique de la société civile au chevet de la planète les yeux rivés sur le centre de convention, sur les négociateurs pour leur rappeler que ce sur quoi ils négocient n’est pas abstrait mais bien réel. Que c’est de leur avenir, de l’avenir de leurs enfants qu’ils sont en train de décider !

Il est trois heures du matin, et un cri brise le silence qui s’était installé. C’est le cri d’une jeunesse qui comprend que la partie est mal engagée pour les pays en développement et qui souhaite témoigner de son soutien à ces pays.

Il est 5 heures du matin, ce bâtiment immense, moderne, glacial s’est vidé de sa population, à l’exception des jeunes qui se sont regroupés dans l’un des restaurants du Doha Convention Center. Il est 7 heures du matin, et ce sont ces mêmes jeunes qui sont les premiers à s’installer dans la salle où l’issue des négociations devrait avoir lieu. La matinée est déjà bien avancée, et le Président lance un dernier appel pour que ces négociations trouvent au plus vite une issue ! Quelques heures plus tard, les jeunes à leur tour lancent un ultime appel en diffusant un petit clip vidéo. 

Les négociateurs installés devant dans la salle se lèvent et se regroupent pour discuter. Assis au fond de la salle les acteurs de la société civile observent et analysent.

Ces 48 dernières heures vous paraissent complètement absurdes et l’attente inutile ? Je ne crois pas ! L’attente fut longue, mais notre présence est indispensable et devrait même être renforcée. Il y a des symboles qui parfois sont plus forts que des actes ou des mots. Et c’est également une forme de pression envers les négociateurs et leurs gouvernements.
 Nos parents, nos grands parents se sont battus pour que nous puissions obtenir un droit de regard sur ce qui se passe dans les enceintes de négociation et à Rio en juin dernier la société civile s’était battue pour que la gouvernance s’ouvre aux acteurs non étatiques. Mais à quoi cela servirait si ces mêmes acteurs ne sont pas là pour faire pression quand l’avenir de la planète se décide au niveau international ? 

Le prochain grand rendez-vous sur le climat se tiendra à Paris en 2015. Cette COP 21 aura pour objectif d’acter une nouvelle période d’engagements contraignants qui cette fois-ci s’étendront à l’ensemble des pays. Mon rêve pour cette COP21 : que partout dans le monde, devant les bâtiments officiels, dans le centre de convention : des individus, des ONG, des jeunes et des moins jeunes qui se relaient nuit et jour en silence pour montrer aux dirigeants de la planète que l'heure est grave, que l'heure n'est plus au très beau discours mais que l'heure est à l'action. Et en attendant ce nouveau rendez-vous avec l’histoire, que des campagnes fleurissent partout dans le monde avec un seul slogan : des hommes et des femmes agissent dans le monde au quotidien pour lutter contre le changement climatique, pourquoi pas vous ?
Je rêve de cette COP 21, comme par le passé j'ai pu rêvé la COP 15 où le monde se met sur pause et vit au rythme des négociations, car c'est notre devoir pour nous et pour nos enfants et la jeunesse internationale l'a bien compris. Alors soutenons cette jeunesse qui veut défendre son destin !

Et d’ailleurs à ce titre, de Doha je ne garderai dans mes souvenirs que les 48 dernières heures de négociation et le rôle de la jeunesse sur ces dernières heures. Les jeunes ont été apparemment les seuls acteurs de la société civile à voir fait le déplacement jusqu’à Doha et ce massivement ! 

Mais revenons à ces dernières heures avant le coup de marteau final par M. Abdallah ben Hamad al-Attiyah, Président de cette conférence. Nous sommes en début de soirée le vendredi 30 novembre, et nous attendons dans la salle où un état des lieux des négociations devrait nous être donné. L’horloge tourne et toujours rien ! Il est une heure du matin, et sur les panneaux d’information on comprend que rien de va se passer ce soir : « le service des bus de la COP assurera samedi les trajets officiels jusqu’à
22h ». Les immenses couloirs se vident, les espaces réservés à la société civile, à la presse deviennent déserts exception faites de quelques personnes qui s’endorment ici et là, épuisées par les deux semaines d’intenses négociations. 





Leave a Reply.