Souvent réduite à sa dimension environnementale et aux efforts entrepris par chacun, la question du changement climatique est surtout politique.

Depuis 1979, date de la première conférence sur le climat, les pays tentent de s’accorder sur cette question. Derrière la création d’instances internationales à ce sujet (tel que le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les accords et les mesures prises en faveur d’un développement plus durable, des enjeux considérables se cachent et déterminent le fil conducteur des négociations internationales. Or, de par leur situation géographique, économique, et de leurs ressources énergétiques, les pays ne sont pas égaux face à la réduction de leurs émissions et leur adaptation : certains contribuent d’avantage au processus de réchauffement, d’autres seront d’avantage affectés par ses conséquences; certains dépendent des rendements de l’extraction des énergies fossiles, tandis que d’autres manquent de compétences et de financements pour réduire leurs émissions et s’adapter.

Les négociations internationales s’articulent autour de différents groupements de pays.

Commençons par les annexes. Elles sont définies par le protocole de Kyoto selon le niveau d’industrialisation des pays : annexe I pour les pays industrialisés et non-annexe I pour les pays en voie de développement (en 1992). L’annexe I comprend elle-même deux catégories : l’annexe B regroupant les pays ayant signés le protocole de Kyoto en 1997 et l’annexe II pour les pays occidentaux qui constituent une source de financement.

Les groupes régionaux sont issus du classement officiel des Nations Unies. Le principal groupe qui fonctionne comme une coalition de négociation est le Groupe Afrique. Ses 53 membres partagent des sources de préoccupations communes et suggère que les parties de l’annexe I prennent des engagements quantifiés de réduction de leurs émissions. Ils appellent les parties de l’annexe II à soutenir les pays en développement (transfert de technologies et financement).

Mais les pays s’expriment le plus souvent au nom d’une coalition de négociation. Les pays peuvent intégrés plusieurs coalitions ou en changer, mais un certain nombre de coalitions sont discernables depuis l’ouverture du Protocole de Kyoto.

Des ambitions climatiques éparses …

On retrouve l’Union Européenne qui prend des airs de bonne élève en ayant d’ores et déjà atteint son objectif de réduction d’émissions pour 2020. Elle est la plus active en matière de défense environnementale bien qu’elle refuse actuellement d’avoir un objectif plus ambitieux.

Le Groupe des 77 et de la Chine, présidé par les îles Fidji cette année, estime que les pays développés doivent se fixer des objectifs contraignants et financer les « pertes et dommages » des pays les plus pauvres. La Chine réaffirme par ailleurs l’importance du principe « responsabilités communes mais différenciées » faisant référence à l’historique des émissions climatiques, soit celles des pays développés.

Les membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) insistent sur la nécessité de prendre en compte les conséquences économiques des mesures prises sur le développement des pays exportateurs.

Le Groupe Parapluie (regroupant habituellement le Canada, l’Australie, les Etats-Unis, la Russie, l’Islande, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et l’Ukraine) fait également partie des mauvais élèves puisque la majorité de ce groupe n’a pas hésité à quitter impunément le Protocole de Kyoto. L’Australie est même intervenue pour annoncer une liste de conditions et de thèmes sur lesquels elle ne souhaite pas s’exprimer.

Par ailleurs, l’Alliance des Etats insulaires en développement (APEID), le Groupe des PMA (Pays les moins avancés) et la coalition des pays avec des forêts pluviales sont des exemples de coalition de pays plus exposés aux conséquences du changement climatique ou pouvant avoir des difficultés à s’adapter. Les Philippines, par exemple, victimes de typhons meurtriers, appelle à prendre des mesures fortes, et leur délégué a arrêté de s’alimenter et le fera jusqu’à ce qu’il ait une signifiante évolution dans les négociations.

Varsovie, étape avant la COP 21 qui devrait se dérouler à Paris, a désormais la balle dans son camp !

 
Source : Les Echos.fr
La COP19 doit créer un cadre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique et permette à la CCNUCC de jouer un rôle de coordination et de facilitation dans le développement de ces deux solutions. Elle devra garantir l’articulation et la cohérence de ces solutions avec les objectifs de développement durable et de respect des droits humains, notamment pour les populations vulnérables du Sud. La conférence vise de façon générale à :
- Préparer la COP 2015 qui aura lieu en France, en vue de finaliser un accord global ;
- Mobiliser des fonds pour le climat, notamment dans le cadre de l’engagement pris par les pays développés à Copenhague en 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 ;
- Définir un mécanisme de compensation en faveur des pays en développement les plus vulnérables au changement climatique ;
- Mettre en place le Fonds Vert pour le Climat en 2014, qui vise à réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables afin de mettre en place des projets pour combattre les effets des changements climatiques.

Mais l’expérience du premier jour montre qu’on est loin d'un accord commun qui puisse engager des actions efficaces de la part de tous les pays dans la lutte contre le réchauffement climatique. Après le premier jour, on a l'impression que chaque pays ne cherche à représenter que ses propres intérêts à court terme, négligeant le fait que les conséquences du réchauffement climatique nous affectent tous.

Les délégués s’accordent sur des généralités et reconnaissent tous que le réchauffement climatique est un problème et qu’il faut commencer à agir dès maintenant … mais dès qu’il s’agit d’actions concrètes, il n’y a plus d’accord.

La Chine exige une aide financière de la part des pays occidentaux pour mettre en place des actions contre le réchauffement climatique ; les pays d’Amérique latine demandent de transports de technologie et de connaissances ; l’Europe et les USA veulent de leur côté définir un nouvel accord où tous les pays s'engagent sur un pied d'égalité.

Mais les pays d’Amérique latine, les Philippines et les peuples autochtones ont rappelé aux délégués que tous les pays ne sont pas responsables du réchauffement climatique de la même manière. Dès lors, le prix à payer doit varier selon l’impact des pays sur le réchauffement climatique, d’autant plus que ce sont souvent les pays pauvres qui sont les plus affectés par le changement climatique.

De leur côté, les représentants de la société civile pressent l’urgence d’une action rapide. La représentante des jeunes du monde entier (via YOUNGO) a rappelé ce matin qu’on a tous le même droit de vivre sur la planète, dans les mêmes conditions, avec les mêmes ressources. Il faut commencer à agir dès maintenant pour préserver la planète : on ne doit pas considérer qu’on l’a hérité de nos ancêtres, mais qu’on l’a emprunté à nos enfants. Le désastre causé aux Philippines par le typhon Haiyan nous le rappelle cruellement.

Marina Bodescu, responsable de la délégation du REFEDD à la Conférence pour le Climat à Varsovie

 
Première article d'une série de 3 consacré à la place des jeunes au sein des COP. Pour commencer, nous allons nous intéresser à YOUNGO, représentation officielle des jeunes auprès du secrétariat de la CCNUCC.

L'engagement des jeunes concernant les négociations internationales ne date pas d'hier. Lors du sommet de la Terre de 1992, Severn Suzuki, alors âgée de 12 ans, prononce un discours mémorable où elle appelle les négociateurs à « changer leur manière de faire », précisant qu'elle s'exprime pour « se battre pour son avenir ». Les jeunes engagés dans les négociations internationales vont ensuite se structurer en mouvements. En 1996, les jeunes européens créent le Forum Européen de la Jeunesse (European Youth Forum),tandis qu'en 2001 les jeunes américains créent SustainUS.

Mais il faudra attendre 2005 et la COP11 de Montréal pour que les différents mouvements jeunes s'unissent pour parler d'une seule voix donnant naissance à l'International Youth Climate Movement, aussi YOUNGO pour YOUth NGO. Quelques jours avant la COP11 fut également organisé la première « Conférence de la jeunesse » (Conference of Youth - COY) réitérée depuis chaque année et dont le but est de préparer les jeunes pour la COP.

En 2009, à la COP de Copenhague, YOUNGO acquiert le statut officiel de groupe d'intérêt (constituency) auprès du secrétariat de la CCNUCC. Ceci permit d'officialiserYOUNGO comme interlocuteur privilégié pour porté la voix de la jeunesse. Ce statut permet à YOUNGO d'avoir accès à certains ateliers lors des intercessions - cessions de négociations qui ont lieu 2 fois par an entre les COP. Ce statut permet entre autres également de pouvoir facilement s'exprimer lors des plénières, de recevoir un bureau attitré durant la conférence, de voir ses événements annoncés au programme officiel et d'avoir un accès privilégié aux haut-représentants de la COP et notamment à la présidence. 

En contrepartie, YOUNGO doit parler d'une seule voix et s'organiser pour faire circuler de manière efficace l'information en son sein. Pour se faire, deux personnes ressources (focal point), ont été élues avec pour mission de faire le lien entre YOUNGO et le secrétariat. 
Des google group ont également été mis en place pour diffuser l'information et permettre à chacun de s'exprimer. Durant les COP, YOUNGO tient également une réunion d'une heure tous les matins à 8h où sont débattues et votées toutes les décisions importantes etannoncés toutes les actions prévues pour la journée.

Bref, la jeunesse est dans la place !
 
La 19e Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC), ou COP 19, a lieu à Varsovie, en Pologne, du 11 au 22 novembre 2013.

Elle se déroule dans un contexte de plus en plus marqué par l’occurrence continuelle d’événements climatiques extrêmes dont les liens avec le changement climatique sont plus ou moins directs. L’année écoulée a été marquée par l’enchaînement de catastrophes : l’ouragan Sandy qui a submergé New York et coûté 35 milliards de dollars en octobre 2012, une mousson catastrophique dans l’État d’Uttarakhand en Inde qui a fait au moins 6 000 morts, une grave sécheresse dans le Midwest américain même si le scénario est récurent depuis quelques années, des inondations en Europe Centrale - récurrentes elles aussi - et dont le coût est estimé cette année à 12 milliards d’euros...

La COP19 doit créer un cadre pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique et permette à la CCNUCC de jouer un rôle de coordination et de facilitation dans le développement de ces deux solutions. Elle devra garantir l’articulation et la cohérence de ces solutions avec les objectifs de développement durable et de respect des droits humains, notamment pour les populations vulnérables du Sud. La conférence vise de façon générale à :

- Préparer la COP 2015 qui aura lieu en France, en vue de finaliser un accord global ;

- Mobiliser des fonds pour le climat, notamment dans le cadre de l’engagement pris par les pays développés à Copenhague en 2009 de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 ;

- Définir un mécanisme de compensation en faveur des pays en développement les plus vulnérables au changement climatique ;

- Mettre en place le Fonds Vert pour le Climat en 2014, qui vise à réaliser le transfert de fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables afin de mettre en place des projets pour combattre les effets des changements climatiques.

Une des missions du REFEDD est d’être une interface de dialogue entre les associations et les acteurs académiques et institutionnels concernant l’intégration du développement durable dans les cursus et sur les campus. Dans cette optique, le REFEDD participe à la COP 19 pour y porter la voix des jeunes. Dans le contexte où le GIEC prévoit une augmentation de 5,5 °C pour 2100, et où tous les rapports publiés entre 2012 et 2013 rappellent l’urgence de faire des coupes rapides dans nos émissions de gaz à effet de serre pour que les émissions mondiales cessent enfin d’augmenter - et ce sans attendre la signature ou l’entrée en vigueur de ce nouvel accord mondial. Le protocole de Kyoto est arrivé à sa fin en décembre 2012, la Convention Cadre de Doha n'a pas abouti sur un nouvel accord accepté par tous les pays. La COP 19 doit permettre une action juste et mondiale pour combler le fossé des émissions dans les années 2015-2020.

Le REFEDD sera représenté par Alain Tord, son président, Marina Bodescu, administratrice en charge de l’international, et Julie Pinson, administratrice. Ils rédigeront plusieurs articles durant les négociations pour tenir informés les étudiants, et rencontreront des représentants de la jeunesse d’autres pays pour parler d’une même fois.

Du côté de CliMates, Sabrina Marquant, Antoine Ebel, Mathilde Imer et Alexis
Metzger sont également à Varsovie.



 
Cette conférence à Doha était une conférence de transition et malheureusement nous savions que cela allait être compliqué, et que le niveau d’ambition des engagements des Etats n’allait pas être au rendez-vous. Cependant, était-ce une raison pour que cette conférence ne soit pas sous la lumière des projecteurs médiatiques ?
La réponse est non ! Était-ce la raison pour laquelle les acteurs de la société civile ne se sont pas rendus sur place de manière massive ? La réponse est toujours non ! Car au-delà de la complexité et de la technicité de cette conférence, l’enjeu était ailleurs : il s’agissait de dessiner l’avenir de la lutte contre le changement climatique, esquissé il y a quelques années maintenant, stoppé net dans son élan à Copenhague et qui depuis 2009, se dessine à tâtons. L’enjeu était bel et bien là ! Et la société civile n’était pas présente massivement!


Cette conférence à Doha était ma première COP mais la logique de ces réunions internationales m’est toutefois familière. J’ai réalisé un mémoire de recherche de deux ans de 2007 à 2009 sur les négociations climat, de la feuille de route de Bali, qui dessinait l’avenir de la lutte contre le changement climatique à la veille de ce qui se devait être un rendez avec l’histoire, la fameuse conférence de Copenhague. A travers ce travail de recherche, j’ai pu analyser la montée en puissance des acteurs de la société civile, enclenchée notamment dès 2007 avec la sortie du film d’Al Gore qui rend accessible au grand public le dernier rapport du GIEC.
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Dès lors, la mobilisation des acteurs de la société civile a été telle que leurs actions ont envahi l’espace public partout dans le monde à coup de campagnes de communication et de sensibilisation chocs. Pour la première fois dans l’histoire de la diplomatie climatique ; médias, experts, néophytes, tout le monde s’était emparé du sujet.  


Copenhague a été révélateur d’une prise de conscience mondiale de l’urgence climatique, mais au delà du rendez-vous manqué avec l’histoire de cette conférence, Copenhague a fait entré les acteurs de la société civile dans une nouvelle ère de mobilisation, qui tout comme les négociations internationales se définit et se construit au fil des évènements, au fil du temps. Mais cette mobilisation massive qui marqua la capitale danoise en 2009 n’existe plus. Et le désintérêt par le grand public de ces grandes conférences a atteint en 2012 son apogée.
Déjà à Rio, en juin dernier, alors que nous devions réaffirmer les grands principes de 92 et définir de nouveaux principes, la société civile était absente. Plus grave encore, à Doha, la société civile se résumait à quelques réseaux d’ONG présentes sur place. Or il n’y a rien de plus fort que la symbolique de la société civile au chevet de la planète les yeux rivés sur le centre de convention, sur les négociateurs pour leur rappeler que ce sur quoi ils négocient n’est pas abstrait mais bien réel. Que c’est de leur avenir, de l’avenir de leurs enfants qu’ils sont en train de décider !

Il est trois heures du matin, et un cri brise le silence qui s’était installé. C’est le cri d’une jeunesse qui comprend que la partie est mal engagée pour les pays en développement et qui souhaite témoigner de son soutien à ces pays.

Il est 5 heures du matin, ce bâtiment immense, moderne, glacial s’est vidé de sa population, à l’exception des jeunes qui se sont regroupés dans l’un des restaurants du Doha Convention Center. Il est 7 heures du matin, et ce sont ces mêmes jeunes qui sont les premiers à s’installer dans la salle où l’issue des négociations devrait avoir lieu. La matinée est déjà bien avancée, et le Président lance un dernier appel pour que ces négociations trouvent au plus vite une issue ! Quelques heures plus tard, les jeunes à leur tour lancent un ultime appel en diffusant un petit clip vidéo. 

Les négociateurs installés devant dans la salle se lèvent et se regroupent pour discuter. Assis au fond de la salle les acteurs de la société civile observent et analysent.

Ces 48 dernières heures vous paraissent complètement absurdes et l’attente inutile ? Je ne crois pas ! L’attente fut longue, mais notre présence est indispensable et devrait même être renforcée. Il y a des symboles qui parfois sont plus forts que des actes ou des mots. Et c’est également une forme de pression envers les négociateurs et leurs gouvernements.
 Nos parents, nos grands parents se sont battus pour que nous puissions obtenir un droit de regard sur ce qui se passe dans les enceintes de négociation et à Rio en juin dernier la société civile s’était battue pour que la gouvernance s’ouvre aux acteurs non étatiques. Mais à quoi cela servirait si ces mêmes acteurs ne sont pas là pour faire pression quand l’avenir de la planète se décide au niveau international ? 

Le prochain grand rendez-vous sur le climat se tiendra à Paris en 2015. Cette COP 21 aura pour objectif d’acter une nouvelle période d’engagements contraignants qui cette fois-ci s’étendront à l’ensemble des pays. Mon rêve pour cette COP21 : que partout dans le monde, devant les bâtiments officiels, dans le centre de convention : des individus, des ONG, des jeunes et des moins jeunes qui se relaient nuit et jour en silence pour montrer aux dirigeants de la planète que l'heure est grave, que l'heure n'est plus au très beau discours mais que l'heure est à l'action. Et en attendant ce nouveau rendez-vous avec l’histoire, que des campagnes fleurissent partout dans le monde avec un seul slogan : des hommes et des femmes agissent dans le monde au quotidien pour lutter contre le changement climatique, pourquoi pas vous ?
Je rêve de cette COP 21, comme par le passé j'ai pu rêvé la COP 15 où le monde se met sur pause et vit au rythme des négociations, car c'est notre devoir pour nous et pour nos enfants et la jeunesse internationale l'a bien compris. Alors soutenons cette jeunesse qui veut défendre son destin !

Et d’ailleurs à ce titre, de Doha je ne garderai dans mes souvenirs que les 48 dernières heures de négociation et le rôle de la jeunesse sur ces dernières heures. Les jeunes ont été apparemment les seuls acteurs de la société civile à voir fait le déplacement jusqu’à Doha et ce massivement ! 

Mais revenons à ces dernières heures avant le coup de marteau final par M. Abdallah ben Hamad al-Attiyah, Président de cette conférence. Nous sommes en début de soirée le vendredi 30 novembre, et nous attendons dans la salle où un état des lieux des négociations devrait nous être donné. L’horloge tourne et toujours rien ! Il est une heure du matin, et sur les panneaux d’information on comprend que rien de va se passer ce soir : « le service des bus de la COP assurera samedi les trajets officiels jusqu’à
22h ». Les immenses couloirs se vident, les espaces réservés à la société civile, à la presse deviennent déserts exception faites de quelques personnes qui s’endorment ici et là, épuisées par les deux semaines d’intenses négociations. 


 
La mairie du 2ème arrondissement de Paris a accueilli le jeudi 6 décembre un atelier participatif sur le thème du changement climatique. Cette soirée constituait le 4ème volet de l'évènement de notre évènement Doha In Paris

L'invité de la soirée, Patrick Lagadec, directeur chercheur à l’École Polytechnique et Docteur en Sciences Politiques, animait un atelier de réflexion sur le fonctionnement des négociations internationales. En effet, depuis la conférence de Copenhague en 2009, les négociations onusiennes peinent à trouver un accord international qui résoudrait la question du réchauffement climatique. Pour lancer la soirée, Patrick Lagadec pépare un jeu : imaginons qu'un groupe de jeunes obtienne un droit de paroles de 2 minutes et 30 secondes à la tribune de la plénière de Doha, quels seraient leurs messages pour penser le changement ?
Répartis en deux groupes, les participants de la soirée - qui ne se connaissent pas et n'avaient pas le même niveau d'informations - devaient identifier deux pièges à éviter lors des négociations internationales ainsi que deux idées concrètes de solution. Leur contrainte : deux fois 20 minutes. Leurs seules armes : une feuille blanche, des stylos et leur parole. 

L'exercice de Patrick Lagadec révèle la difficulté de penser "autrement". Les négociations s'enlisent, surdéterminées par les intérêts économiques, financiers et politico-électoraux.  Pour le premier temps de travail, il s’avère que les deux groupes ont pensé en restant dans la structure existante des négociations internationales. Or, comme le précise notre animateur, l’idée est de sortir du cadre : « Changeons de dynamique, sortons de la structure Etat ». C’est en prenant du recul et en faisant des propositions à côté du cadre - en décalé - que des idées novatrices peuvent apparaître.
Lors du deuxième temps de réflexion, la volonté de sortir du cadre a été plus présente bien que l’ensemble des participants s’accordent à dire qu’il est difficile de pousser une idée jusqu’au bout alors que nous savons pertinemment qu’il sera plus que délicat à mettre en œuvre.  « On pense trop au comment » et se retrouver face à une feuille blanche pour une création de toute pièce n’est pas un exercice facile.

Finalement, après plus d’une heure de réflexion, l’exercice terminé, les participants ont continué à changer le monde : comment faire évoluer les pensées, comment faire travailler ensemble les différents acteurs (anciens et nouveaux), comment les jeunes peuvent-ils s’engager, comment ne pas être pessimiste face à la montagne de choses qu’il reste à faire ? Tant de questions qui ont plusieurs réponses suivant les connaissances et les ressentis des uns et des autres. La soirée s’est terminée sur beaucoup d’interrogations mais surtout sur l’envie inébranlable de faire quelque chose. 
 
Lundi 3 décembre 2012 à la mairie du 2ème arrondissement de Paris se tenait l’atelier conférence du suivi des négociations de Doha. Durant deux heures, plusieurs intervenants se sont succédés au micro pour répondre aux questions de notre animatrice Juliette Decq.

Pierre Bonneau est le premier à se plier à cet exercice avec un petit brief sur les enjeux de Doha et le suivi des négociations. Représentant de l’ARC-Bouté – l’Alliance pour le Réchauffement Climatique des Baigneurs OUTrEs, il se réjouit car ce n’est pas à Doha qu’il y aura de grandes avancées : inaction, remise à demain des travaux, bref un monde « les pieds dans l’eau » se profile pour le plus grand bonheur de notre lobbyiste chevronné. Le Qatar – premier émetteur de CO2/habitant au monde – serait-il l’endroit idéal pour ne rien faire ? Néanmoins, notre expert biaisé a pris le temps de nous expliquer les « trois voies de négociations » de la CCNUCC. Premièrement la voie AWG-KP du Protocole de Kyoto et la discussion sur les nécessaires amendements à déposer pour que tout ne s’arrête pas le 31 décembre prochain ainsi que l’épineuse question de l’air chaud (quotas excédentaires attribués aux pays de l’Est qui pourraient remettre en question l’utilité même d’une deuxième période). Ensuite la voie AWG-LCA ou Long-Term Concerted Action, issue du Plan d’Action de la COP de Bali en 2006, pour « renforcer la mise en œuvre » de la CCNUCC avec cinq segments de discussions (adaptation, atténuation, financement, transfert de technologies, et vision commune à long-terme). Le LCA doit impérativement être clôt à Doha, or pour l’instant il est très difficile de trouver un accord sur tous ces points et le texte présenté fait l’impasse sur les questions épineuses d’adaptation et de financements (cruciales pour les pays en développement). Et enfin la toute nouvelle Plateforme de Durban pour l’Action Renforcée (AWG-KP) avec deux segments : la discussions sur la promotion d’un accord global à l’horizon 2015 à appliquer en 2020, et l’épineuse question des principes qui le sous-tendront – en particulier la question de l’évolution du concept de Responsabilité Commune et Différenciée - ; et le segment d’augmentation du niveau d’ambition des réductions avant 2020. Sur cette voie de discussion, très peu d’accords, ne serait-ce que méthodologiques : on en est encore aux balbutiements.

Après cette mise au point, une liaison par visioconférence est réalisée avec les jeunes de l’association CliMates présents à Doha : Sébastien Burgess, Béatrice Cointre, Henri Landes et Sabrina Marquant. Doha était réellement à Paris grâce  à la technologie ! Sébastien Burges, sur place depuis le début de la COP, nous fait part de ses journées chargées durant lesquelles il crée le lien entre la délégation officielle française et la société civile. Appuyé par Sabrina Marquant, il note le peu d’organisations non gouvernementales présentes, ce qui est sans doute dû à la thématique complexe et technique du changement climatique. Néanmoins les jeunes sont bien présents, notamment lors de la Conference of Youth qui précède la COP, COY où les jeunes étaient pour la plus grande majorité des anglosaxons. Chacun profite de chaque opportunité, via les side events par exemple, pour faire entendre leur voix. C’est l’occasion pour les différentes organisations de se rencontrer « lors de réunions officielles mais aussi autour de cocktails » précise Henri Landes. Les quatre délégués se rejoignent sur le fait que la COP est ainsi un moyen de trouver les structures avec lesquelles faire un partenariat pour que nos voix soient plus fortes et prises en compte.

La liaison terminée avec Doha, c’est Hervé Le Treut, membre du GIEC et directeur de l’institut Simon Laplace, qui répond aux questions de Juliette Decq et de l’audience. Selon lui, la modélisation de la COP 18 est celle des gagnants-perdants, modélisation qui n’existait pas auparavant. Cette modélisation est due à la grande difficulté à préciser les impacts du changement climatique. Malgré les controverses des climato-sceptiques, il y a peu de débat sur la réalité du changement climatique. Pourtant, nous sommes désarmés en ce qui concerne la prévision et la modélisation aux échelles régionales. Au niveau français, des ordres de grandeur sur le réchauffement peuvent être donnés mais il reste difficile de dire où il pleuvra plus ou moins par exemple. Néanmoins, et c’est là que le bât blesse, il est difficile pour la communauté scientifique de s’intégrer dans les négociations. De plus ce n’est pas pendant les négociations que se joue le rôle des scientifiques mais en amont. Le seuil des deux degrés par exemple est un seuil politique qui s’assoit sur d’autres seuils (biodiversité, océans etc) et processus scientifiques. Il faut donc discuter de la répartition des rôles entre l’expertise scientifique et le politique pour plus de clarté.

Lors des questions du public, la vulgarisation scientifique ressort souvent pour permettre une meilleure appropriation par la société civile de la thématique.

Pour prendre la suite des réponses apportées par notre expert, c’est à nouveau un liaison par visioconférence avec le mouvement des lycéens éco-responsables depuis Nantes. Ce mouvement, né dans le domaine agricole, est parti de la volonté d’intégrer le développement durable dans les établissements, via notamment des agenda 21 scolaires. Ces jeunes ont rédigé un Manifeste des Eco-responsables déposé auprès de leurs ministères de tutelle : le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de l’agriculture. De nombreux projets fleurissent au sein de ce mouvement composé de 60 personnes tant au niveau local qu’au niveau international. Présents à Rio+20, ils ont rédigé un manifeste pour le futur, manifeste qu’ils ont intégré au manifeste des Régions de France remis à François Hollande en mains propres. Ce sont des jeunes engagés, motivés et pleins de volonté qui nous ont présenté leurs projets et leur désir d’aller plus loin.

Enfin le dernier contact par visioconférence qui a été réalisé nous a permis de rencontrer Mariam du Mouvement des Jeunes Arabes pour le Climat (AYCM). Alors que dans les précédentes COP, plusieurs étaient présents mais de manière individuelle, la COP18 est pour eux le moyens de se retrouver ensemble et d’agir ensemble. Des 52 membres qui sont à Doha ce sont 16 pays du Proche et Moyen Orient qui sont représentés. Afin de faire entendre leur voix sur la nécessité absolue d’agir. C’est pour quoi ils ont interpellé leurs propres dirigeants pour exiger qu’ils s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 avec l’organisation d’une grande marche à Doha, la première du genre dans le pays.

La marche a été soutenue par des ONG régionales et internationales, parmi lesquelles on compte IndyACT, OASIS Doha, 350.org, le Réseau action climat, et la campagne mondiale TckTckTck. Par ailleurs, de jeunes militants ayant façonné le printemps arabe ont désormais choisi de s’impliquer dans le nouveau mouvement des jeunes pour le climat.

Malheureusement, la dernière visioconférence avec l’initiative Qatar in Brussels n’a pas pu avoir lieu et c’est avec regret que nous n’avons pu échanger avec eux car c’est cette intiative qui a inspiré Doha In Paris. Les échanges terminés, c’est sur une pointe d’humour que s’est clôturée la soirée avec la projection de deux films des premières actions de Doha In Paris : la Flashmob Freeze « on va mettre le Doha où ça fait mal » ainsi que le discours de l’Arc-Bouté que tous pourront retrouver sur le site.

Doha in Paris ne se fait pas sans nous, encore faut-il que Doha se fasse tout court. D’après les dires des uns et des autres ce n’est peut-être pas gagné.

Pierre Bonneau & Astrid Barthélemy
 
La ville de Doha, je n’en avais jamais ouï dire avant de me retrouver face à la question du changement climatique, ce bien vaste concept dont j’entends parler et dont les citations à outrance ne m’aident pas pour que j’en saisisse la définition. Ce martèlement est-il obligatoire pour nous faire prendre conscience du danger ? Sans doute, quoi qu’il en soit, l’urgence est là, bien présente et pressante. Comme le disent très justement deux amis, beaucoup sont persuadés – moi la première – que le changement climatique ne les touchera pas directement, cela n’arrive qu’aux autres. Et pourtant. Et pourtant de nombreux jeunes français sont convaincus du contraire et se saisissent avec volonté et dynamisme de ce thème : nous sommes tous responsables et nous avons tous un rôle à jouer. J’en suis aujourd’hui intimement convaincue : moi, jeune engagée depuis peu, je peux faire bouger les choses ! Oui mais voilà, les grandes décisions se font avec les grandes personnes, le changement climatique c’est compliqué et très technique et puis Doha – ville du Qatar où se déroule la Conférence des Parties des Nations-Unies sur le changement climatique (COP18 pour les intimes) – c’est pas la porte à côté. Ce n’est pas mon titre de transport francilien  qui va me permettre de m’y rendre. A moins que… à moins que ce ne soit Doha qui vienne à moi et non le contraire !

Avec des amis, des inconnus, des nouvelles connaissances, le réseau du REFEDD (REseau Français des Etudiants pour le Développement Durable) se réveille : quatre d’entre nous seront à Doha, gardons le contact et relayons les informations qu’ils nous transmettront ! Les jeunes peuvent prendre la parole sans peur, ce n’est pas les mains dans les poches qu’ils se rendent à Doha. Ils préparent la COP18 depuis longtemps : des idées, des recommandations et des projets seront proposés. A défaut d’être intégrés dans les réflexions en amont, les jeunes se mobilisent et font des pieds et des mains pour être de la partie. Nous avons nos moyens, nos réseaux et notre enthousiasme pour transmettre ce sujet brûlant à la société pour qu’elle puisse s’en saisir.

Les médias dits classiques n’évoquent que peu la COP18, le grand public n’a jamais entendu parler de Doha ? Qu’à cela ne tienne, nous prenons le relai : Facebook, Twitter, Internet et nos téléphones portables sont nos chevaux de bataille pour rallier et mobiliser, notre joie de vivre et notre bienveillance sont nos atouts pour mettre en lumière les enjeux importants et essentiels pour la planète que nous voulons. Nous voulons sortir des carcans et des processus rigides des négociations internationales pour montrer qu’il existe d’autres manières de sensibiliser et de toucher le grand public afin qu’il prenne en main ce qui concerne chacun d’entre nous et pas seulement nos voisins.

Vous ne connaissez pas Doha ? Vous n’avez jamais entendu les acronymes COP, UNFCCC et encore moins l’idée de justice climatique ? Doha vient à Paris et d’ici quelques jours vous maitriserez sur le bout des doigts ce que tout ceci signifie. Vous pourrez briller en société en racontant Doha comme si vous y étiez. Moi-même je ne connais ces détails que depuis peu et pourtant déjà je me sens investie du devoir de transmettre. Doha ne se fera pas sans moi, ni sans vous.